Admin ]
Nous sommes le  mardi 23 avril 2024

Etude sur le vocabulaire des polyptyques

Analyse factorielle et polyptyques 

 

Les spécificités du vocabulaire économique et technique des polyptyques

Les polyptyques, inventaires de revenus et de biens du 9e siècle relevant d’un grand propriétaire foncier généralement ecclésiastique, sont une des principales sources pour la connaissance de l’économie carolingienne. Le vocabulaire employé dans ces documents éclaire l’histoire rurale de cette époque. Une des finalités de ces textes est de connaître et gérer les biens que le propriétaire possède. Les rédacteurs ont pour cela procédé à des calculs pour fixer des longueurs, des surfaces ou pour délimiter le champ d’éxécution des services ou bien pour définir des redevances. Cette quantification apparaît à travers les termes de mesure. De la même manière, ils ont employé des mots relatifs aux structures et aux charges domaniales : les centres domaniaux, les bâtiments ou les divers biens fonciers, ou encore les prestations de service et redevances, dues par les exploitants dépendants pour connaître leurs possessions et les exploiter.

Afin de donner une unité géographique à l’étude, huit polyptyques décrivant des domaines entre Loire et Rhin, les plus récemment édités et les plus fiables, ont été préférés aux polyptyques italiens, non moins riches. Ce sont, chronologiquement, les textes de Saint-Germain-des-Prés, Saint-Rémi de Reims, Montier-en-Der, Saint-Bertin, Saint-Pierre de Lobbes, Saint-Maur-des-Fossés, Saint-Amand-les-Eaux et Saint-Sauveur de Prüm[1]. Ces polyptyques forment un corpus chronologiquement homogène daté du 9e siècle.

Cependant, ces documents ont-ils un vocabulaire spécifique, employé par les rédacteurs pour ce genre de texte, propre à tous les polyptyques ? Les rédactions de polyptyques suivent-elles un formulaire-type ou chaque document a-t-il ses particularités distinctives, selon le lieu ou la période ?

L’étude de chacun de ces documents a permis de dénombrer 317 termes économiques et techniques différents, lemmatisés et répondant à la typologie qui vient d’être énoncée, dont 48 % sont essentiellement spécifiques à certains textes en particulier, prouvant l’existence de fortes particularités, de distinctions entre les textes[2]. Chacun des polyptyques utilise dans certains cas un vocabulaire propre et dans d’autres cas des termes communs. Ces caractères principaux et ces différences entre les textes peuvent être distingués grâce à la méthode de l’analyse factorielle, qui permet de dégager un ordre interprétable de ces données en les résumant, par une somme de produits de facteurs, de tableaux plus simples à lire et qui sont une bonne approximation du tableau des termes économiques et techniques de départ[3]. Le premier de ces tableaux ou premier facteur est celui qui apporte le plus d’informations, la meilleure approximation des grandes oppositions autour desquelles les données se structurent, mais pour plus de précision, il faut lui ajouter les autres facteurs qui sont des correctifs, apportant des précisions plus fines. Ces éléments ont cependant une importance décroissante[4].Cette analyse permet donc de mettre en relief les grandes oppositions de vocabulaire entre les différents polyptyques.Cliquez ici pour remonter la page

Tableau 1 : la spécificité du vocabulaire par polyptyque.

Polyptyques

Nombre de termes retenus

%

Termes spécifiques

%

 

 

 

 

 

GER

164

52%

45

27%

PRU

152

48%

48

31%

REI

133

42%

29

22%

DER

75

24%

6

8%

MAU

73

23%

8

11%

LOB

63

20%

2

3%

BER

58

18%

11

19%

AMA

46

14%

3

6%

 

 

 

 

 

Les huit textes

317

100%

152

48%

Tableau 2 : analyse factorielle - les polyptyques[5].

 

F1

CPF

F2

CPF

F3

CPF

F4

CPF

F5

CPF

GER

478

341

37

3

26

2

71

20

1

0

REI

-808

148

-1248

616

488

114

31

1

65

3

DER

-766

85

-210

11

-1605

788

116

5

127

8

BER

-165

2

300

12

35

0

-1982

805

700

136

LOB

-572

20

187

4

-161

3

-670

70

-1870

741

MAU

-310

3

-597

20

-524

19

67

0

185

4

AMA

-634

7

-49

0

322

4

-1017

44

-1262

92

PRU

-1123

394

782

333

324

69

260

55

119

16

Total

 

1000

 

1000

 

1000

 

1000

 

1000

L’analyse factorielle fait apparaître une grande opposition sur le premier facteur[6] entre le vocabulaire du polyptyque de Saint-Germain-des-Prés et celui de Prüm, qui a un fort écart négatif et derrière lequel s’ordonnent, mais dans une moindre mesure, Reims et Montier-en-Der. Cette distinction intervient en premier lieu entre les trois textes les plus importants du point de vue de la quantité et de la variété du vocabulaire : par rapport aux 317 termes techniques différents dénombrés à partir des huit documents, Saint-Germain-des-Prés en mentionne 52 %, Prüm 48 % et Reims 42 %, alors que les autres textes en contiennent moins de 25 %[7]. Ces trois polyptyques se distinguent aussi par l’importance de la spécificité de leurs termes, marquant leur opposition. Ainsi, 31 % du vocabulaire de l’inventaire de Prüm lui est propre, 27 % à Saint-Germain-des-Prés et 22 % à Reims, les autres étant inférieurs à 20 %. Le contraste est dû aux particularités structurelles et lexicales de ces trois documents importants. La différence est aussi bien temporelle que régionale : près de quatre-vingt ans se sont écoulés entre la rédaction du texte parisien, au début du 9e siècle et celle du document rhénan, à la fin de ce siècle et au début du 10e siècle. Les mobiles de rédaction n’étaient pas les mêmes, ce qui s’est traduit dans la structure des textes par une organisation différente des chapitres et dans le choix du vocabulaire.

Ainsi, le polyptyque de Saint-Germain se focalise sur la description des biens fonciers de tous ses domaines, d’où le suremploi, par rapport aux autres documents, de termes comme terra, dont la présence à Saint-Germain représente 87 % de l’emploi total de ce mot par rapport à tous les textes[8], ou encore des termes comme vinea (87 %), pratum (86 %), pastura (63 %), concida (100 %) ou lucus (100 %), qui ont tous une forte contribution au côté positif du premier facteur. Cette focalisation se retrouve dans l’utilisation des mesures de superficie comme bunuarium (85 %), antsinga (92 %) ou aripennum, ce dernier étant spécifique à Saint-Germain-des-Prés puisqu’il représente dans ce document un peu plus de 99 % de  son emploi total. Le vocabulaire se distingue par la concentration ou par l’absence de termes courants, marquant les oppositions. En second lieu, ce texte porte un intérêt particulier au travail de la terre et plus particulièrement au lot-corvée pour lequel il distingue très souvent, à la différence des autres documents, les labours et les semailles sur l’hivernage (hibernaticum) et sur le trémois (tramisum), représentant respectivement 63 % et 72 % de l’emploi total de ces mots. Sinon, ce sont des termes particuliers comme [facere] antsinga ou riga, qui est présent à 100 % à Saint-Germain, qui sont mentionnés. L’attention des gestionnaires s’est aussi tournée vers l’association des dépendants dans l’exécution des prestations de travail, ce qui se traduit par le terme socius, propre à Saint-Germain (97 %). De même, des redevances particulières sont propres à ce texte, comme augustaticum (100 %), herbaticum, carnaticum. Enfin, l’analyse fait apparaître le lien fort entre l’adjectif ingenuilis et ce polyptyque (83 %), représentatif de la position prédominante des manses ingénuiles à Saint-Germain[9].

Le premier facteur montre bien que Prüm joue un rôle essentiel dans l’opposition avec Saint-Germain, notamment par l’emploi de termes propres à sa région, la plus excentrée à l’est et à sa période de rédaction. Si les mots indiquent les principaux intérêts des rédacteurs, ils reflètent aussi les changements dans la gestion et dans les structures domaniales au fil du temps et entre les régions. Ainsi, les mesures de capacité ont une place importante dans ce texte, plus que dans  tous les autres polyptyques, notamment pour exprimer des redevances ou utilisées comme mesure de complément pour évaluer l’ensemencement d’une terre par exemple. Ce polyptyque utilise aussi le jugerum, terme qui lui est propre, pour mesurer ses biens fonciers et pour évaluer le lot-corvée de nombreux exploitants dépendants. Le nom pictura (93 %) qui représente une petite exploitation viticole, voire un lot-corvée dans la vigne que l’on retrouve seulement à Lobbes. Les gestionnaires ont aussi porté un intérêt particulier aux mots relatifs à des services de transport ou de messagerie, comme la scara, qui n’est mentionnée que dans ce document et l’angaria, qui représente à Prüm 97 % de l’emploi de ce mot par rapport à tous les textes, de même pour le verbe ducere, qui est toutefois moins représentatif (67 %). D’une manière générale, le texte semble être focalisé sur les services concentrés en séries de jours, les noctes qui constituent à Prüm 95 % des citations de tous les textes. Les prestations de travail sont souvent plus détaillées que dans les autres textes, d’où la quantité importante de verbes comme battere (100 %), flagellare, tondere, lavare, coquere, viligare, wactare, restaurare, mundarepurgare, erpiare

Cependant, cette opposition du vocabulaire de Prüm face au polyptyque de Saint-Germain-des-Prés n’est véritable que si on lui associe les textes de Reims, et dans une moindre mesure ceux de Montier-en-Der et de Lobbes. En effet, parmi les mots qui ont une forte contribution du côté négatif, un terme comme carrum ne rassemble que 42 % des citations de ce mot à Prüm, alors qu’en additionnant les mentions des polyptyques de Reims et de Montier-en-Der, qui ont une contribution négative, mais de moindre ampleur, on atteint 83 %. On peut faire cette constatation avec les termes modius (25 % pour Prüm, 58 % les trois réunis), colligere (36 % à Prüm, 95 % pour les trois réunis), curtis (respectivement 45 et 90%), absus (39 et 78 %) …

Les mobiles de rédaction des textes du groupe de Prüm sont centrés sur des mesures de capacité ou de superficie liées à des prestations de travail comme carrum, modius, jugerum, mappa, mais aussi sur des verbes ou des termes techniques exprimant ces services et redevances comme ducere, colligeresolvere, facere, servire, angaria, noctes, wacta … Dans un second temps, le vocabulaire de termes particuliers liés à des structures domaniales est mis en valeur, comme accola, curtis, quartarium, molendinus, pictura, camba

Les textes s’opposant au polyptyque de Saint-Germain-des-Prés se situent donc dans une large région au nord-est et à l’est du Bassin Parisien et datés de la seconde partie du 9esiècle. Les autres documents ayant une position plus ou moins neutre, c’est-à-dire qu’ils s’écartent peu de l’indépendance. Ils ont un vocabulaire assez commun aux deux grandes oppositions, mais cette vision doit être corrigée par l’étude des autres facteurs.Cliquez ici pour remonter la page

Tableau 3 : Contribution des termes pour le premier facteur[10].

TERME

Coord. fact.

CPF

TERME

Coord. fact.

CPF

Carrum

-1216

62

Absus

-1164

8

Modius

-727

37

Libra

-990

7

Jugerum

-1727

27

Pictura

-1664

6

Ducere

-1512

25

Wacta

-1278

6

Accola

-1241

21

Dies

-489

6

Solvere

-505

20

Seminare

-691

6

Colligere

-1098

19

Corvada

-497

6

Angaria

-1642

19

Host

-495

6

Curtis

-1254

17

claudere

-1068

6

Nox

-1701

15

Messis

-1125

6

Facere

-414

15

Antsinga

599

10

Mappa

-1243

12

Ingenuilis

414

18

Quartarium

-1696

11

Vinea

474

23

Servilis

-884

11

Pratum

473

26

Scara

-1727

10

Terra

498

43

Indominicatus

-614

10

Bunuarium

573

58

Dare

-1382

9

Arabili

708

76

Molendinum

-1158

9

Aripennum

734

107

Ort

-1362

8

 

 

 

Le second facteur montre en effet une division à l’intérieur du groupe de Prüm entre d’une part le polyptyque rhénan, qui a une assez forte contribution positive et d’autre part celui de Reims, qui a une forte contribution négative, marquant une nette distinction [11]. Ce contraste est dû à nouveau pour deux textes qui ont chacun un vocabulaire spécifique important[12]. Ainsi le vocabulaire typiquement rémois comme la tenure accola (à 98 % à Reims) ou les groupes de tenure, coloniae ((100 %), des mesures ou des étendues de terre comme mappa (100 %) ou bien diurnalis (100 %) au lieu de jornalis ailleurs. De même pour la description des champs enclos avergaria, terme spécifiquement rémois (100 %) ou bien encore les campi (82 %). Le rédacteur s’est aussi attaché à présenter une description détaillée des réserves, en précisant l’existence de bâtiments, comme le mot aedificium (69 %), le pressoir, torcular (100%), voire les vergers, viridarium (100 %). Dans le domaine des services, à nouveau, des expressions caractéristiques ont été employées, telles que bannus (79 %) ou vehitura (100 %), le service de charroi, en parallèle de la carropera, ou bien encore dans les précisions de détail, le rédacteur a mentionné des buticulae (100 %) ou des scaritiones (100 %), des échalas. Si le ou les rédacteurs ont bien suivi un cadre de description, un formulaire parfois, le choix du vocabulaire dépend de ces mêmes enquêteurs. Cet exemple montre qu’il n’y a pas de termes figés propres à ce type de document.

Cependant, l’opposition sur le deuxième facteur entre le vocabulaire de Reims et celui de Prüm est aussi marquée par des termes présents dans d’autres documents et absents dans l’un ou l’autre des deux polyptyques. Ainsi, des termes comme hibernaticum, manopera et carropera, présents à Reims (respectivement 18 %, 20 % et 18 %) mais aussi à Saint-Germain et à Montier-en-Der, sont absents à Prüm, d’une part parce qu’il y a des termes différents pour exprimer les charrois, notamment, et d’autre part, parce que les rédacteurs ont souvent précisé le détail des prestations de service, alors que ces dernières sont fréquemment sous-entendues dans l’utilisation de mots indéfinis comme manopera et carropera. De la même manière, l’écart par rapport au vocabulaire de Reims est mis en relief par des mots du document de Prüm, qui constituent les contributions positives les plus fortes, mais aussi par des expressions propres à d’autres polyptyques et notamment celui de Saint-Bertin, de telle sorte que le terme casa ne représente à Prüm que 5 % du total de cette occurrence, alors qu’il équivaut à 39 % à Saint-Bertin et à 48 % à Saint-Germain.  Le bois, silva, correspond à 16 % du total à Prüm contre 4 % à Reims, alors que dans les textes de Saint-Bertin et de Saint-Germain il constitue respectivement 32 et 43 % de l’ensemble.

Le vocabulaire du polyptyque de Reims se distingue donc bien de celui des autres textes. Mais à nouveau à l’intérieur de ces grandes oppositions apparaissent des particularités que l’étude des trois autres facteurs doit permettre d’éclairer.Cliquez ici pour remonter la page

Tableau 4 : Contribution des termes pour le facteur deux.

TERME

Coord. fact.

CPF

TERME

Coord. fact.

CPF

Accola

-2482

144

Colligere

-420

5

Mappa

-2533

87

Buticula

-2533

5

Donare

-1523

62

Mancipia

689

5

Satio

-1594

31

Lidilis

738

5

Aestas

-2075

21

Bunuarium

135

6

Vicaria

-2419

19

Facere

210

7

Bannus

-2158

18

Ebdomada

573

7

Ingenuilis

-280

15

Servilis

560

7

Aedificium

-1754

15

Pictura

1498

8

Villa

-699

14

Wacta

1115

8

Viridarium

-2533

11

Ducere

709

10

Avergaria

-2533

11

Host

502

10

Campus

-1879

10

Debere

1108

11

Caropera

-649

9

Quartarium

1319

11

Vehere

-2533

9

Dare

1234

12

Manopera

-625

8

Libra

1023

12

Diurnalis

-2533

8

Scara

1588

15

Mensura

-1983

8

Nox

1492

20

Census

-642

8

Seminare

1583

21

Hibernaticum

-546

8

Solvere

456

28

Arare

-439

8

Angaria

1536

29

Sessus

-1623

6

Jugerum

1588

40

Pectura

-2116

6

 

 

 

L’opposition, moins marquée, sur le troisième facteur est due principalement au vocabulaire spécifique du polyptyque de Montier-en-Der[13]. Les rédacteurs ont mentionné des services dont le nom est propre à la région du Der, mais que l’on retrouve ailleurs sous un autre vocable, tels que l’ambascatio (100 %), un service de transport de produits légers ou de messagerie, la waita (91 %), un service de garde ou encore la peditura (76 %), un service de clôture. Le vocabulaire de ce texte est bien mis en valeur du fait de l’importance des formules stéréotypées annonçant les services et caractérisant la première partie de ce document. Les gestionnaires qui ont rédigé la liste des précaires de la  troisième partie du texte ont mis l’accent sur la mesure, assez précise, des biens fonciers, d’où l’importance des termes pedes (67 %), jornalis (43 %) et leuga (45 %). A nouveau, le vocabulaire d’un texte se distingue par la concentration de termes spécifiques et l’absence de termes plus courants.

Le quatrième facteur met en valeur, par de fortes contributions négatives, la spécificité du vocabulaire de Saint-Bertin, qui est le quatrième texte ayant le plus de termes spécifiques (17 % de ses mots), se distinguant des quatre textes suivants, qui ont un pourcentage égal à 10% ou très inférieur[14]. Le vocabulaire utilisé reflète à nouveau les objectifs des gestionnaires et des caractéristiques lexicales locales, notamment au niveau de l’intérêt porté envers des dépendants, tels les mancipia, dont le terme représente à Saint-Bertin 50 % des occurrences totales des textes, les caballarii et le verbe caballicare, particuliers à ce document, ou encore les fonctions de porcarius (100 %) et de berbicarius (100 %). L’orientation de l’économie locale est un facteur déterminant pour certains textes. Ainsi, le mot ladmen, propre à Saint-Bertin qui correspond aux fusées de lin (lino fusa) de Lobbes et de Prüm. Parfois, certains termes se rapprochent de ceux de Saint-Germain, tels que des bâtiments casa (39 % à Saint-Bertin et 48 % à Saint-Germain) et casticia (43 % et 57 %) ou encore des mesures comme le bunuarium (11 % et 85 %) ou la pensa, très utilisée à Saint-Bertin (67 % et 11 %). Ce document se caractérise aussi par l’absence de nombreux termes présents dans la plupart des autres textes et qui sont mis en relief par des contributions positives. Il n’y a pas de statut aux manses, d’où l’opposition à l’adjectif ingenuilis, de même le texte n’emploie que le bonnier et le journal comme mesure de superficie, marquant à nouveau un antagonisme avec les noms aripennum, jugerum, antsinga, totalement absents. De même, pour les prestations de travail, les dies expriment aussi bien les travaux de labour, voire de culture et les séries de jours, d’où l’absence des noms corvada et noctes. Un raisonnement  semblable peut être fait pour les charrois qui ne sont pas définis précisément dans ce texte, à la différence d’autres documents employant l’angaria ou la scara. Ces absences sont d’autant plus remarquées car ces termes sont sur-représentés à Saint-Germain-des-Prés par exemple. La situation géographique de l’abbaye entre aussi dans la composition du vocabulaire de ces inventaires. Ainsi, le terme vinea est très peu mentionné (1 %) : il n’est pas employé dans la description des domaines mais seulement pour des services de transport de vin depuis des vignes de l’abbaye situées dans des régions vinicoles.

Enfin, le cinquième facteur apporte une dernière correction en présentant les légères particularités de Lobbes et dans une moindre mesure de Saint-Amand, en opposition notamment avec Saint-Bertin. Les spécificités régionales entrent à nouveau en jeu pour le polyptyque du « pays de Liège », ainsi l’importance du mot brasserie, camba (58 %) et de la fusée de lin, fusa (86 %) ou bien de la mesure situla pour la cervoise à Saint-Amand (75 %), que l’on ne retrouve qu’à Prüm.

Il faut aussi noter que, malgré la taille du document, le vocabulaire du fragment de bénéfice de Saint-Amand est très peu lacunaire par rapport à l’ensemble des textes, alors que le polyptyque de Lobbes est composé en grande partie sur la base d’un vocabulaire assez commun, qui rappelle l’utilisation d’un ou deux formulaires : il n’y a que 3 % de termes qui lui sont véritablement propres, alors que le polyptyque de Saint-Bertin, qui lui est inférieur en taille (par rapport au nombre de termes différents), contient 19 % de termes particuliers.

Quant au polyptyque de Saint-Maur-des-Fossés, il ne s’individualise pas car sa rédaction s’est appuyée sur des mots assez communs, sans véritables particularités. Cependant, les chapitres neuf et dix, se rapportant à des notices de donation de domaines royaux, se distinguent par la concentration des 11 % de termes spécifiques. Ces derniers ne marquent pas d’opposition flagrante par rapport aux autres textes du fait de leur faible nombre d’occurrences dans ce document.

Le vocabulaire des polyptyques reflète donc les objectifs des gestionnaires, de même que les particularités lexicales locales, propres à un scriptorium ou à un rédacteur donné. Les principales oppositions du vocabulaire sont déterminées aussi bien à cause du facteur temporel, les textes s’étalent sur un siècle, le facteur spatial, suivant le lieu de rédaction ou l’orientation de l’économie locale ou encore selon des facteurs structurels, selon les mobiles de rédaction des gestionnaires.

En regroupant le vocabulaire des polyptyques selon des grandes « régions », des grandes zones géographiques, on peut essayer de percevoir si le facteur spatial joue un rôle important ou non dans le choix des termes techniques.

Les textes peuvent être réunis en cinq grandes régions assez homogènes : un premier groupe « Hainaut », avec les textes de Saint-Amand et de  Saint-Pierre de Lobbes, un second « Flandres – Hainaut », associant aux textes du premier groupe l’inventaire de Saint-Bertin, un troisième groupe « Bassin Parisien », rapprochant Saint-Germain-des-Prés et Saint-Maur-des-Fossés et enfin un ensemble « Champagne », liant Saint-Rémi de Reims et Montier-en-Der. Ce dernier groupe pouvant former une cinquième région, « grand Est », en leur mettant en rapport le polyptyque de Saint-Sauveur de Prüm.Cliquez ici pour remonter la page

Tableau 5 : la spécificité régionale du vocabulaire.

 

 

Termes régionaux

spécifiques à au moins

 deux textes du groupe

Total

de termes

spécifiques

Régions

Polyptyques

 

 

Hainaut AMA, LOB

1

6

Flandres - Hainaut BER, AMA, LOB

1

17

Bassin Parisien GER, MAU

4

57

Champagne REI, DER

3

38

"Grand Est" REI, DER, PRU

10

93

Tableau 6 : le vocabulaire commun aux régions.

 

 

Termes

communs

Régions

Polyptyques

 

 

Hainaut AMA, LOB

28

Flandres - Hainaut BER, AMA, LOB

19

Bassin Parisien GER, MAU

55

Champagne REI, DER

51

"Grand Est" REI, DER, PRU

40

 

La région Flandres – Hainaut regroupe dix-neuf mots communs à tous ces textes[16]. Parmi ceux-ci, les textes du Hainaut rassemblent seulement un terme spécifique à leur région, la camsiliaria, une dépendante astreinte à la livraison de panneaux de toile, que l’on ne retrouve pas à Saint-Bertin[17]. Les termes communs correspondent souvent à des mots de base de la description auxquels se greffent quelques mots moins répandus : les biens fonciers terra, vinea, silva, pratum, ainsi que hortus, qui est beaucoup moins courant, des adjectifs qualifiant les structures domaniales, in/dominicatum, de même que les structures villa, mansus et un terme plus propre à la région, molendinum. A ces termes, il faut ajouter les mesures modius, carrum / carrada et surtout bunuarium, moins usuel que les deux autres, de même les prestations de travail et les redevances, dies, facere et moins fréquents, census, servitium ou encore colligere. Il vaut mieux dissocier ces deux sous-régions, ainsi le groupe Hainaut regroupe huit termes de plus, souvent proches du vocabulaire d’autres régions voisines, dont la libra pour les mesures, l’adjectif arabilis qualifiant les terres ou le trémois, tramisum, qui ne sont récurrents dans les autres textes qu’à Saint-Germain-des-Prés, de même le verger, arboretum, présent aussi à Reims.Cliquez ici pour remonter la page

La spécificité du vocabulaire de cette région repose en fait sur l’individualité de chacun des textes. Ainsi, Saint-Bertin possède une spécificité propre et se distingue des deux autres textes par ses onze termes spécifiques. De même, à l’intérieur du groupe Hainaut, les deux textes ont chacun leur spécificité propre, bien que le cinquième facteur de l’analyse factorielle ait montré une certaine unité dans le vocabulaire de cette région. Cependant, les données pour cette zone géographique se basent sur de petits textes, dont une partie lacunaire, ne permettant pas d’établir de bonnes comparaisons.

Le vocabulaire des textes du Bassin Parisien, plus complet, conduit toutefois à la même conclusion : il y a cinquante-cinq termes communs aux polyptyques de Saint-Germain et de Saint-Maur, dont seulement quatre qui leur sont proprement spécifiques : area, girus, ar(i)pennum, (h)airbannus. Parmi les mots communs, on retrouve les mêmes mots de base de la description. A nouveau, la spécificité du vocabulaire s’appuie sur l’individualité de chaque texte et non sur le regroupement par zone géographique reconnue et assez homogène. Mais là encore la comparaison est un peu faussée étant donné que le polyptyque de Saint-Maur est nettement moins important que celui de Saint-Germain-des-Prés.

Les enseignements sont les mêmes pour le vocabulaire de la région Champagne : cinquante et un termes communs et seulement trois termes spécifiques aux deux textes : peditura, oblatio et accola, ainsi que la récurrence des mêmes mots de base. La comparaison est cependant plus fine par rapport à l’ensemble « Grand Est », qui met notamment en rapport deux des textes les plus importants, Reims et Prüm. S’il n’y a qu’un seul mot spécifique aux trois textes, advocatus, par rapport aux quarante termes communs du groupe, il y en a neuf spécifiques à au moins deux documents, rappelant l’intérêt plus poussé de ces textes pour des descriptions plus précises des services : nox, waita, missaticum, aratura, capitaneus, palus, mensura, quartarium, minuta. Ces spécificités font référence à certains vocables régionaux , tels waita, d’origine probablement germanique ou encore des expressions régionales plus précises comme le mot noctes qui n’est employé qu’à Reims et surtout à Prüm, en plus du mot dies, alors que dans les autres documents ce dernier reprend aussi le sens de noctes. Mais, là encore, au regard du nombre total de termes spécifiques, chaque polyptyque a ses particularités bien distinctes.

Le facteur spatial, à partir du découpage régional tel qu’il a été défini, n’est donc pas déterminant dans le choix du vocabulaire pour la composition des polyptyques. Cependant, des caractères plus particuliers apparaissent si ces groupes régionaux sont regroupés en ensembles géographiques plus importants, notamment une zone comprise entre les abbayes de Saint-Germain-des-Prés et de Prüm[18]. C’est un groupe assez homogène constitué des trois inventaires les plus importants, modérés par deux textes plus petits, d’égale valeur[19]. En plus des termes de base, communs aux huit textes, seize mots se distinguent se rapportant aussi bien à des mesures, des structures domaniales et à des prestations. En plus du modius et du carrum, présents dans tous les textes, l’intérêt pour les mesures est soutenu avec les mots jornalis, sextarius, pertica. De même, des mots comme (a)ecclesia, qui est d’ailleurs absent seulement dans le polyptyque de Saint-Amand, cap(p)el(l)a, farinarium ou encore l’adjectif ingenuilis font référence à des structures domaniales bien implantées dans cette zone géographique. En outre,  les principales redevances et les principaux services sont mis en valeur, ainsi arare, claudere, corvada, lignarium, hostaticum.

En revanche, les polyptyques du nord et de l’ouest se détachent plus de ce modèle de description. Ils sont constitués des douze termes de base et très peu d’autres mots communs avec des textes d’un autre groupe régional. Cependant, ces quelques termes révèlent un vocabulaire différent, relatif à d’autres intérêts de rédaction. Ainsi, pour la zone géographique située au nord du Bassin Parisien, les cinq mots qui se dégagent reflètent un autre mode de description : alors qu’à l’est du Bassin Parisien, on utilise partout le terme satio pour la sole ou la saison d’ensemencement, alors qu’au nord, la différenciation est systématique entre l’hivernage, (h)ibernaticum et le trémois, tramisum, le Bassin Parisien comme le rémois, employant les deux types. De même, dans la description du centre d’exploitation le terme (a)edificium est employé régulièrement sans plus de précision dans cette même zone. Le bonnier, bunuarium, y est aussi la grande mesure de surface reconnue, jusqu’au nord-ouest. Il y a d’ailleurs peu de spécificités communes entre le Bassin Parisien et la région de Saint-Bertin. Par contre, la zone entre le Hainaut et le « Grand Est » fait apparaître à nouveau des termes particuliers : à la différence de la région Bassin Parisien – Grand Est où le moulin est nommé surtout farinarium, on l’appelle plutôt molendinum dans le Hainaut. Les prestations y sont moins précises, d’où l’usage plus régulier de termes vagues comme census ou servitium.Cliquez ici pour remonter la page

Tableau 7 : Vocabulaire spécifique et commun à des grands groupes régionaux.

Régions

Polyptyques

Termes

communs

Spécificités communes

à tous les textes du groupe[20]

Bassin Parisien -

Champagne

GER, MAU

REI, DER

32

19

Bassin Parisien -

"Grand Est"

GER, MAU

REI, DER, PRU

29

16

Bassin Parisien -

Hainaut

GER, MAU

 AMA, LOB

18

5

Bassin Parisien -

Flandres - Hainaut

GER, MAU

BER, AMA, LOB

14

2

Flandres - Hainaut

"Grand Est"

BER, AMA, LOB

REI, DER, PRU

17

4

 

Les huit textes

12

 

 

 

 

Sept textes

sauf AMA

16

 

 

 

Les trois textes

les plus importants

GER, PRU, REI

54

 

 

Tableau 8 :  spécificité commune aux textes selon des grands ensembles géographiques[21].

BP - GE

 

BP - H

 

BP - FH

 

GE - H

(a)ecclesia farinarium seminare   (a)edificium   (h)ortus   census
(h)ost ingenuilis sextarius   (h)ibernaticum   bunuarium   colligere
arare jornalis

 

 

(h)ortus  

 

 

molendinum
cap(p)el(l)a lignarium

 

 

bunuarium       servitium
claudere messis

 

 

tramisum        
corvada pertica

 

 

       

 

facula satio

 

 

       

 

Précédemment, il a été fait référence à des termes de base, communs à tous les textes. Ces douze mots forment l’ossature de chaque inventaire[22]. Ce sont des mots indispensables à la description, liés aux impératifs de rédaction de ce type de document, d’où l’omniprésence de biens fonciers : terra, vinea, pratum, pascua et ses dérivés, silva. Il en est de même pour les structures domaniales comme villa, mansus et un adjectif qualifiant ce dernier, (in)dominicatus : chaque domaine avait un centre d’exploitation ou du moins une réserve. La présence de mesures de capacité, carrum et modius, rappelle que l’estimation de l’ensemencement, voire de rendement est préférée aux mesures de surface aux yeux des gestionnaires. Enfin, parmi les prestations, ce sont surtout les services qui intéressaient les gestionnaires. Tout service consistant à faire quelque chose, la présence du verbe facere est normale. En tout lieu, les corvées à effectuer pouvaient être définies par leur durée, en jours de travail (dies).

A ces termes présents dans tous les textes, s’ajoutent quatorze autres mots communs à au moins six documents, dont les mesures de surface les plus courantes, le bonnier (bunuarium) et le journal (jornalis)[23]. L’adjectif absus, absent de la description à Saint-Bertin, reflétant une situation domaniale courante au 9e siècle : il y avait des exploitations rurales ou des terres qui étaient provisoirement inoccupées. De même, l’église (ecclesia), le moulin (molendinum) et le jardin (ortus) étaient présents dans tous les ensembles domaniaux. Mais il faut noter surtout l’importance des prestations avec les termes assez vagues, servitium ou opus, census ou le verbe qui introduit presque toujours les redevances, solvere. Sans oublier la place des services agricoles avec l’utilisation très fréquente des verbes arare, seminare et colligere ou leurs dérivés, qui rappellent les différents stades de culture dans l’année.

La comparaison des trois textes les plus importants, Saint-Germain-des-Prés, Prüm et Reims permet de compléter ces résultats : 54 termes communs se distinguent dont les mots cités auparavant et parmi lesquels il faut rajouter des fonctions domaniales ou non comme le maire (maior), le doyen (decanus) et le prêtre (presbiter), qui échappent souvent à la description des autres textes moins riches.Cliquez ici pour remonter la page

Tableau 9 : les douze termes communs à tous les textes.

LEMME

Abr.

FORMES

GER

REI

DER

BER

LOB

MAU

AMA

PRU

Fréq. Tot.

carr carr carrum, carrada, carrata

42

123

93

18

14

9

4

219

522

modi modi modius

250

201

84

23

69

2

22

219

870

terr terr terra

1878

35

79

47

29

10

5

72

2155

vine vin vinea, vineola

1136

40

15

12

12

11

4

69

1299

prat prat pratum

1267

32

56

23

28

6

4

53

1469

pas pas pascere, pascio, passio, pastio, pascua, pasqualis, pastus, pastura, passionalis

146

34

9

9

5

3

1

5

228

silv silv silva, silla [faute ?], silvula

125

12

24

47

23

3

7

48

289

vill vill villa

61

44

37

6

34

2

3

14

201

mans mans mans-us/-um, mansell-us/-um, mansio, mansura

1978

384

161

41

81

57

18

479

3200

dominic indo (in)dominicatus, -a, -um, dominicus, -a, -um

102

53

61

22

25

8

6

63

340

fac face facere

500

130

55

67

20

7

8

321

1108

di die dies

114

35

37

39

9

6

4

74

318

L’étude des fréquences de ces termes, en plus de définir la forme principale du mot, permet d’affiner ces dernières analyses en déterminant l’importance de leur emploi. Parmi les 317 lemmes mentionnés dans tous les textes, 181 ont une fréquence totale inférieure à 10 et 70 n’ont qu’une seule occurrence, ce sont tous des termes spécifiques à un seul polyptyque. Les fréquences les plus grandes regroupent 42 mots supérieurs à 100 occurrences, vingt-trois supérieurs à 200 et 9 supérieurs à 1000. Il faut cependant se rappeler que certaines des plus grandes fréquences sont souvent dues aux répétitions des polyptyques importants, notamment celui de Saint-Germain-des-Prés, pouvant aboutir à des interprétations erronées de termes surévalués. Ainsi l’arpent (aripennum) ou l’adjectif arabili figurent parmi les plus hautes fréquences avec respectivement 2475 et 1861 occurrences, alors qu’ils ne sont quasiment pas représentés dans les autres textes. Il en est de même pour la perche (pertica), l’ansange (antsinga) ou les adjectifs ingenuilis et servilis. Dans une moindre mesure, l’importance du  bonnier est aussi surestimée avec une fréquence totale de 2191 occurrences, à cause de son emploi à Saint-Germain (1878 occurrences), alors que dans les autres textes il ne dépasse pas 240 cas. Cependant, outre ces mises en garde, l’étude des fréquences les plus importantes permet de retrouver les termes de base mentionnés auparavant et notamment le mot mansus, qui domine les autres termes avec ses 3200 occurrences, rappelant qu’un des mobiles de rédaction est de dénombrer les exploitations rurales des domaines pour connaître les revenus que l’on peut en tirer. Le rang des biens fonciers (terre, vigne, pré, bois) et des mesures (arpent, bonnier, muid, perche, ansange) prouve à nouveau l’intérêt porté à la description des domaines.Cliquez ici pour remonter la page

Tableau 10 : les quatorze autres termes présents dans au moins six polyptyques.

LEMME

Abr.

FORMES

GER

REI

DER

BER

LOB

MAU

AMA

PRU

Fréq. Tot.

bunu bunu bunuarium

1878

0

1

240

46

3

22

0

2191

jor jor jornalis

56

3

78

9

5

2

0

28

181

eccl eccl (a)ecclesia

55

24

34

10

10

3

0

18

154

mol mol molendinum

3

5

12

10

19

0

3

35

87

ort ort (h)ortus

2

16

0

1

2

1

3

28

53

inge inge ingenuilis

1120

176

30

0

6

6

0

3

1338

op op opus

14

3

18

2

0

1

1

0

38

serv serv servitium

48

17

4

2

1

0

3

46

121

arar arar arare

145

60

35

37

0

21

0

14

258

semi semi seminare

27

36

11

47

10

1

0

31

163

coll coll colligere

25

67

31

5

1

0

3

61

183

cens cens census

39

51

5

3

11

0

2

23

134

host host (h)ost

131

19

6

8

0

3

4

116

287

solv solv solvere

400

29

116

30

86

0

0

304

965

Les polyptyques ont été composés à partir d’une vingtaine de mots de base, indispensables à ce type de description, constituant un certain nombre de formules obligées pour le ou les rédacteurs du document. Les autres termes sont plus ou moins précis selon les mobiles de rédaction, de même ils peuvent varier selon les lieux. Cependant, si le facteur spatial n’est pas fondamentalement déterminant dans le choix du vocabulaire, il y a très peu de mots propres à une région donnée, les termes sont choisis au niveau local, les grandes oppositions du vocabulaire misent en valeur par l’analyse factorielle le montrent[24]. De même, il faut se rappeler que la description peut varier selon les situations : si l’inventaire se construit autour de formules, de mots nécessaires à ce type de description, la plus grande partie du vocabulaire est, en règle générale, issue d’un choix raisonné du rédacteur[25].

Par contre, l’intervention du facteur temporel est difficile à définir du fait de la grande homogénéité des textes du point de vue de leur datation, sauf en ce qui concerne les grandes différences entre les polyptyques de Saint-Germain-des-Prés, de Reims et de Prüm mises en valeur dans la première partie de  cette étude, pour lesquelles ce facteur a pu intervenir.Cliquez ici pour remonter la page

 


[1] Dans l’étude, le nom de ces textes est abrégé : GER, pour Saint-Germain ; REI, pour Saint-Rémi ; DER, pour Montier-en-Der ; BER, pour Saint-Bertin ; LOB, pour Saint-Pierre de Lobbes ; MAU, pour Saint-Maur-des-Fossés ; AMA, pour Saint-Amand-les-Eaux et PRU, pour Saint-Sauveur de Prüm. Hägermann Dieter (Dir.), Elmshäuser Konrad,   Hedwig Andreas, Das Polyptychon von Saint-Germain-des-Prés, Böhlau, Köln, 1993 ; Devroey Jean-Pierre, Le polyptyque et les listes de cens de l’abbaye de Saint-Remi de Reims (IXe-XIe siècles), (Travaux de l’Académie nationale de Reims,  vol. 163),  Reims, 1984 ; Droste Claus-Dieter, Das Polyptychon von Montierender. Kritische Edition und Analyse, Trierer Historische Forschungen, 14, Trêve, 1988 ; Ganshof François-Louis, Godding-Ganshof Françoise, De Smet Antoine, Le polyptyque de Saint-Bertin (844-859). Edition critique et commentaire, Paris, 1975 ; Devroey Jean-Pierre, Le polyptyque et les listes de biens de l’abbaye Saint-Pierre de Lobbes. Edition critique (Commission royale d’histoire), Bruxelles, 1986 ; Hägermann Dieter., Hedwig Andreas, Das Polyptychon und die Notitia de Areis von Saint-Maur-des-Fossés (Beihefte der Francia, 23), Jan Thorbecke,  Sigmaringen, 1990 (Saint-Maur-des-Fossés et Saint-Amand-les-Eaux) ; Schwab Ingo, Das Prümer Urbar (Rheinische Urbare, 5. Band, Publikationen der Gesellschaft für Rheinische Geschichtskunde, 20), Droste, Düsseldorf, 1983.

[2] Se reporter au tableau 1.

[3] Pour les mécanismes de calcul et des exemples de cette méthode, se reporter à Philippe Cibois, L’analyse factorielle, collection Que sais-je ? , P.U.F., Paris, 1983.

[4] Idem, p. 93.

[5] Les colonnes correspondent aux résultats des cinq différents facteurs. F signifie coordonnées factorielles. CPF signifie contributions pour le facteur. Chaque ligne correspond aux résultats d’un polyptyque, dont le nom est abrégé. Les résultats significatifs pour l’étude ont été mis en gras. Logiciel utilisé pour les calculs de l’analyse factorielle : Philippe Cibois, TRI-DEUX, version 2.2, ANECAR (Analyse des écarts à l’indépendance – janvier 1995).

[6] Cinq  facteurs ont été extraits. Se reporter au tableau 2 et à la représentation graphique pour les résultats généraux de l’analyse factorielle et au tableau 3 pour le détail de l’analyse sur le premier facteur.

[7] Se reporter au tableau 1.

[8] L’usage de l’adjectif arabili qui qualifie le nom terra est encore plus flagrant : il est utilisé à 98 % dans le texte de Saint-Germain-des-Prés, par rapport à l’utilisation totale de ce mot dans l’ensemble des polyptyques. Les gestionnaires de Saint-Germain se sont focalisés sur la description des biens fonciers cultivables.

[9] Konrad Elmshäuser et Andreas Hedwig, Studien zum Polyptychon von Saint-Germain-des-Prés, Cologne, 1993, p. 479. Le manse ingénuile représente 64 % des manses à Saint-Germain-des-Prés.

[10] Les termes ont été classés selon les contributions relatives à ce facteur, les contributions les plus faibles n’apportant rien à l’étude. La deuxième colonne, intitulée Coord. fact., correspond aux coordonnées du vecteur propre.

[11] Se référer aux tableaux 2 et 4.

[12] Se référer au tableau 1.

[13] Se reporter au tableau 2 pour distinguer les grandes oppositions générales du vocabulaire des polyptyques entre les facteurs. Les principales oppositions étant mises en valeur par le premier facteur et dans une moindre mesure le second, le détail des résultats des autres facteurs n’est pas mentionné ici mais les termes sont cités dans l’étude.

[14] Se reporter aux tableaux 1, 2.

[15] Logiciel utilisé pour les calculs de l’analyse factorielle : Philippe Cibois, TRI-DEUX, version 2.2, PLANFA (Représentation de plans factoriels – janvier 1995).

[16] Voir tableau 6.

[17] Voir tableau 5.

[18] Voir le tableau 7 pour les statistiques et le tableau 8 pour le détail du vocabulaire commun selon de grandes régions.

[19] Se reporter au tableau 1.

[20] Ces termes sont communs à tous les textes du groupe mais ils sont spécifiques en ce sens qu’ils se distinguent des douze termes de base, communs à tous les textes.

[21] BP : Bassin Parisien ; GE : Grand Est ;   H : Hainaut ; FH : Flandres – Hainaut.

[22] Se référer au tableau 7 et au tableau 9 pour le détail de ces termes communs.

[23] Voir le tableau 10.

[24] Se reporter à la représentation graphique des premiers facteurs de l’analyse factorielle.

[25] Voir aussi Jean-Pierre Devroey, Le polyptyque et les listes de cens de l’abbaye Saint-Remi de Reims (travaux de l’Académie nationale de Reims, t. 163), Reims, 1984, p. LVIII.Cliquez ici pour remonter la page

 

S. Guérault / SPIP et squelettes de J.-S. Barboteu NONO 1.7.8
HTML valide CSS valide spip